A compter du 1er janvier 2016, les employeurs devront faire bénéficier l’ensemble de leurs salariés d’une couverture complémentaire minimale de remboursement des frais de santé et de maternité à caractère collectif et obligatoire (Loi 2013-504 du 14-6-2013 relative à la sécurisation de l’emploi, art. 1er, I ; CSS art. L 911-7, issu de cette même loi). A moins d’un mois de son entrée en vigueur, l’article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a apporté d’ultimes ajustements au dispositif, en revenant sur le montant du financement patronal, en prévoyant un nouveau cas de dispense d’affiliation à l’initiative du salarié et en créant un « chèque santé » au profit de certaines catégories de personnel.

L’employeur devra financer 50 % de la couverture collective obligatoire des salariés

Dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, l’article L 911-7 du Code de la sécurité sociale, après avoir posé l’obligation de mise en place d’une couverture complémentaire santé collective obligatoire comportant des garanties minimales et en avoir précisé, dans ses grandes lignes, le contenu (« panier de soins » minimal, cas de dispense possibles, caractéristiques des contrats), dispose que l’employeur assure au minimum la moitié du financement de « cette couverture ».

Cette dernière expression a donné lieu à des interprétations divergentes : pour les organisations représentatives d’employeurs, notamment, l’obligation de financement patronal à hauteur de 50 % porte sur la seule couverture minimale (c’est, pour eux, ce que prévoyait l’ANI du 11 janvier 2013, à l’origine de la loi du 14 juin 2013) ; pour l’administration, l’obligation concerne l’ensemble de la couverture santé collective et obligatoire des salariés, même si elle est supérieure au minimum.
L’article 34, II de la loi de financement de sécurité sociale tranche la question en faveur de l’interprétation administrative : aux termes de l’article L 911-7 modifié du CSS, l’employeur assure au minimum la moitié du financement de la couverture collective à adhésion obligatoire des salariés en matière de remboursement complémentaire des frais de santé ou de maternité.

Les employeurs ayant mis en place un régime finançant seulement 50 % de la couverture minimale s’exposent, s’ils n’augmentent pas leur financement, à des actions contentieuses des salariés en vue de récupérer la part de cotisation patronale manquante (mais ceux qui, au regard des exigences des « contrats responsables », bénéficient de la période transitoire pourraient bien, s’ils modifient leur financement, sortir de celle-ci). En revanche, à notre sens, ils ne devraient pas risquer la réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale de la contribution patronale au régime, les textes relatifs à l’exonération plafonnée de cotisations des contributions patronales de prévoyance ne mentionnant pas, parmi les conditions de l’exonération, le taux du financement patronal.

Un nouveau cas de dispense d’affiliation à la demande du salarié est institué

L’article L 911-7 du CSS, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, permet que certaines catégories de salariés déterminées par décret puissent être dispensées, à leur initiative, de l’obligation d’affiliation, eu égard à la nature ou aux caractéristiques de leur contrat de travail ou au fait qu’ils disposent par ailleurs d’une couverture complémentaire. Définies par les articles D 911-2 et R 242-1-6 du CSS, ces catégories comprennent, notamment, outre ceux embauchés avant la mise en place des garanties si elles sont mises en place par décision unilatérale, certains salariés sous CDD, apprentis et travailleurs temporaires, les salariés à temps partiel dont la durée du travail est faible, les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, les salariés couverts par une assurance individuelle frais de santé lors de la mise en place des garanties ou de l’embauche si elle est postérieure, ceux qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à l’un de ceux fixés par arrêté ministériel.

La ou les facultés de dispense d’adhésion doivent être prévues dans l’acte de mise en place du régime (accord initial ou avenant à celui-ci) et l’employeur doit pouvoir produire les demandes de dispense des intéressés.

La modification prochaine des dispositions réglementaires relatives aux dispenses d’adhésion a été évoquée à plusieurs reprises, tant dans l’étude d’impact qu’au cours des débats parlementaires. Il serait notamment question de supprimer l’obligation de prévoir les facultés de dispense d’adhésion dans l’acte de mise en place et d’en faire des facultés de dispense « de droit » (la suppression, par l’article 34, IV de la loi, du 4° de l’article 1er, I de la loi 2013-504 du 13 juin 2013 va d’ailleurs dans ce sens).

L’article 34-II de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 institue un nouveau cas de dispense d’affiliation : les salariés sous contrat à durée déterminée ou de mission pourront se dispenser, à leur initiative, de l’obligation d’affiliation si la durée de la couverture collective à adhésion obligatoire dont ils bénéficient en matière de remboursement complémentaire de leurs frais de santé et de maternité est inférieure à un seuil fixé par décret. Appréciée à compter de la date de prise d’effet du contrat de travail, cette durée ne prendra pas en compte celle de la portabilité des droits en cas de cessation du contrat de travail ouvrant droit à l’assurance chômage prévue par l’article L 911-8 du CSS.

Les intéressés devront justifier qu’ils bénéficient d’une couverture respectant les exigences des contrats responsables (CSS art. L 911-7, IV modifié).

Ce cas de dispense est « de droit » : en effet, la loi ne prévoit pas qu’il figure dans l’acte de mise en place du régime.

Ce nouveau cas de dispense répond aux difficultés particulières rencontrées par les salariés sous CDD ou contrats de mission très courts : en effet, une couverture effective exige une continuité et une stabilité minimale de la relation assuré/assureur incompatible avec un changement d’assureur à chaque contrat court. Imposer la conclusion de contrats de couverture complémentaire aussi brefs que certains CDD ou contrats de mission est déraisonnable du point de vue du salarié, de l’employeur et des organismes assureurs (Etude d’impact du projet de loi).

Un « chèque santé » est créé pour certaines catégories de salariés

L’article 34 de la loi prévoit également que la couverture complémentaire de remboursement des frais de santé et de maternité de certaines catégories de salariés pourra être assurée par le versement par l’employeur d’une somme représentative du financement résultant de l’application de la généralisation de la couverture collective obligatoire minimale et de l’obligation de portabilité des droits en cas de cessation du contrat de travail ouvrant droit aux prestations de l’assurance chômage. Au plan formel, ce versement fait l’objet d’un article L 911-7-1 nouveau du CSS.

Catégories de salariés concernées
Le « chèque santé » est destiné aux salariés sous contrat à durée déterminée, sous contrat de mission et à temps partiel dans les conditions suivantes.
Le chèque sera de droit pour ceux ayant fait valoir la faculté de dispense d’affiliation en raison de la durée insuffisante de la couverture collective obligatoire : voir ci-dessus (CSS art. L 911-7-1, IV nouveau).
Un accord de branche, ou un accord d’entreprise, en l’absence d’accord de branche relatif à la couverture santé collective et obligatoire minimale ou si celui-ci le permet, pourra prévoir que l’obligation de couverture sera assurée par le seul chèque santé pour les salariés dont la durée du contrat ou la durée du travail prévue par celui-ci est inférieure à des seuils fixés par cet accord, dans la limite de plafonds fixés par décret (CSS art. L 911-7-1, III nouveau).
Jusqu’au 31 décembre 2016, l’employeur pourra aussi, par décision unilatérale, assurer la couverture de ces salariés au moyen du chèque santé sous les mêmes conditions et limites, à condition toutefois que les salariés concernés ne soient pas déjà couverts à titre collectif et obligatoire (Loi art. 34, V).

Selon l’étude d’impact du projet de loi, seraient concernés par cette disposition les salariés sous CDD d’une durée maximale de 3 mois ou sous contrat de travail à temps partiel d’au plus 15 heures hebdomadaires.
A ce jour, un nombre non négligeable de branches professionnelles a déjà mis en place des dispositifs spécifiques adaptés aux salariés sous contrat court ou à faible temps partiel (propreté, restauration rapide, boulangerie, artistes, techniciens du spectacle, journalistes pigistes…). La prééminence de l’accord de branche dans la mise en place du chèque santé pour ces catégories de personnel vise à éviter de déséquilibrer ces dispositifs.

Conditions requises
Pour bénéficier du chèque santé, le salarié devra justifier qu’il est couvert par un contrat d’assurance maladie complémentaire portant sur la période concernée et respectant les exigences des contrats responsables (CSS art. L 911-7-1, II nouveau).

Ce versement ne pourra être cumulé avec aucun des dispositifs suivants : bénéfice de la CMU complémentaire, aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, couverture collective et obligatoire, y compris en tant qu’ayant droit, ou couverture complémentaire donnant lieu à la participation financière d’une collectivité publique (CSS art. L 911-7-1, II nouveau).

Montant du versement
Les modalités selon lesquelles est fixé le montant du chèque santé seront déterminées par décret, en fonction du financement mis en œuvre en application de l’obligation de généralisation de la couverture minimale de remboursement des frais de santé et de maternité, de l’obligation de portabilité, de la durée du contrat de travail et de la durée du travail prévue par celui-ci (CSS art. L 911-7-1, II nouveau).

Régime social
Le versement de l’employeur bénéficie de l’exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale applicable aux contributions patronales de prévoyance complémentaire, dans les mêmes conditions que celle-ci (CSS art. L 242-1, al. 8 modifié).

Le versement santé devrait, comme les contributions patronales de prévoyance complémentaire, être soumis à la CSG et à la CRDS et, pour les entreprises d’au moins 11 salariés, au forfait social. Certes, la loi n’a pas modifié l’article L 136-2 du CSS, relatif à l’assiette de la CSG, mais on peut peut-être considérer que le chèque santé constitue une contribution de l’employeur destinée au financement d’une prestation complémentaire de prévoyance, soumise, en tant que telle, à la CSG dès le premier euro (CSS art. L 136-2, II, 4°).

Entrée en vigueur

Les dispositions ci-dessus entrent en vigueur le 1er janvier 2016 (Loi art. 34, V). A noter toutefois qu’en pratique, et à l’exception de celle relative au financement patronal, elles ne pourront s’appliquer effectivement qu’une fois que leurs décrets d’application auront été publiés.